Maintenant que vous maitrisez les éléments structurants du Poker, il est temps de se poser la question : quel est le point commun des grands joueurs ? Ils maximisent leurs gains et minimisent leurs pertes.
Vous n’avez pas besoin de gagner beaucoup de pots.
Simplement, ceux que vous jouez doivent vous rapporter un maximum. Et si vous perdez, vous devez perdre un minimum.
Au moment de miser, vous vous posez toujours une multitude de questions : Passer ou suivre ? Combien mettre au pot ? Dois-je relancer ? Vous trouverez les réponses dans le contexte et la stratégie que vous adopterez.
Sommaire
Suivre ou passer
Tout d’abord, pour prendre une décision raisonnée, il vous faut connaître les outs, c’est-à-dire le nombre de possibilités pouvant compléter votre main.
Retenez bien la formule approximative % = Outs × 2 × N (Nombre de cartes à venir), elle vous sera très utile.
Une fois les outs assimilés, vous devez intégrer la notion de retour sur investissement.
Pour cela, deux règles de calcul s’offrent à vous : l’espérance de gain (expected value) ou la cote du pot (pot odds).
Espérance de gain (EG)
Imaginez le pari suivant : votre adversaire lance en l’air une pièce de monnaie (non truquée). Si elle tombe sur pile, vous gagnez 20 €. Si elle tombe sur face, vous perdez 1 €. Est-ce tentant ? Bien sûr que oui ! Pourquoi précisément ?
Parce qu’il y a exactement 50 % de chance pour que vous emportiez 20 € et 50 % que vous perdiez 1 €.
Vos gains potentiels se traduisent ainsi : 0,5 × 20 € = 10 €.
Vos pertes potentielles sont les suivantes : 0,5 × 1 = 0,5 €. Votre espérance de gain est donc la différence des gains et pertes potentielles, soit 9,5 €.
Au poker, c’est la même chose.
La formule appliquée est la suivante :
Espérance de gain = [chances de réaliser votre combinaison × valeur du pot] – [Mise à payer]
Pocket cards :
Flop :
Le pot est de 50 €.
Votre adversaire mise 10 €.
Si vous voulez rester dans le coup, il vous faut suivre de 10 €.
Qu’allez-vous faire ?
Vous allez suivre ! Le pot est de 60 € désormais, avec la mise de votre adversaire. Vous avez 32 % de chances de réaliser votre suite (8 outs).
EG = (0,32 × 60) – 10 = 9,2
Votre espérance de gain étant positive, vous devez continuez. Si votre EG avait été négative, il aurait fallu que vous vous couchiez.
Ainsi, on considère que si :
- Votre EG est positive, vos gains seront supérieurs à votre apport. Donc, vous générez des bénéfices.
- Votre EG est proche de 0, vos gains rembourseront tout juste votre apport.
- Votre EG est négative, vos gains ne couvriront pas votre apport. Vous perdez donc de l’argent.
La cote du pot
La cote du pot est le rapport entre la valeur du pot et la mise nécessaire que vous devez payer pour rester dans le coup.
Info pratique Le pot est de 20 €
Votre adversaire mise 10 €.
Vous devez miser 10 € pour rester dans le coup.
Pour connaître la cote du pot, il faut établir le rapport entre votre mise (10 €) et le pot (20 € + les 10 € apportés par votre adversaire, soit 30 €). Pour cela, il vous suffit de diviser le pot par la mise (30/10, soit 3/1). En l’occurrence, la cote est de 3 contre 1. Elle s’écrit de la manière suivante 3 : 1.
Si le pot comportait 80 € pour une même mise nécessaire, la cote serait de 8 : 1 (80/10 soit 8/1).
La cote ne peut exister que si elle est basée sur le facteur 1. Imaginez un pot de 43 € et une mise de 7 €, le rapport est 6,1 : 1 (et non pas 12,2 : 2 par exemple).
Qu’est-ce que 3 : 1 signifie réellement ?
Tout simplement que quand vous jouerez quatre fois, vous aurez perdu trois fois et gagné une fois.
Ou plus simplement, vous gagnerez une fois au bout de quatre fois.
Dans l’exemple ci-dessus, perdre trois fois vous coûtera trois fois votre mise, soit 30 €, et gagner une fois vous rapportera le pot, soit 30 €.
Vous atteignez ainsi l’équilibre financier au bout de la quatrième fois.
Maintenant, il faut convertir ce rapport de risques sous forme de pourcentage pour pouvoir le comparer à vos chances de l’emporter.
Il suffit d’ajouter les deux chiffres du rapport, et de diviser 100 % par le total obtenu. Ainsi, 3 : 1 devient 3 + 1 = 4. 100 % / 4 = 25 %.
Imaginez maintenant que vous avez 32 % (8 outs) de compléter votre suite au flop, vous devez rester dans la partie, car vos chances de compléter votre main sont supérieures à la cote du pot (25 %).
Ainsi, si logiquement :
- Votre % d’amélioration de main est supérieur au % de la cote du pot, alors vous pouvez suivre.
- Votre % d’amélioration de main est inférieur au % de la cote du pot, alors vous devez vous coucher.
Les calculs intègrent le pot actuel, mais ne prennent pas en compte la cote du pot final, ni des futures mises de vos adversaires.
Des formules conditionnelles et savantes vous permettraient de prendre en compte à la fois le nombre de joueurs restants et la valeur potentielle de leurs mises, indexées sur les mises de départ et pondérées de la valeur des mains des joueurs, pour miser au plus juste, ou plutôt au moins faux.
Mais vous n’avez pas besoin de tout cela. Le poker se joue vite, et la connaissance des probabilités alimentera vos automatismes. N’oubliez pas pour autant que les probabilités ne sont valables que sur le long terme. Elles vous rendront donc gagnant en principe, mais en principe seulement.
Ces formules sont précieuses et vous aideront dans vos parties mais, en aucun cas, ces calculs devraient se substituer à votre bon sens, votre observation et votre intelligence situationnelle.
Checker
Checker permet de rester dans la partie sans ouvrir le pot. Vous passez ainsi la parole à votre voisin de gauche qui a trois possibilités : checker, miser ou se coucher.
Contrairement aux idées reçues, checker est la forme d’enchères qui vous expose le plus.
Cela peut en effet signifier plusieurs choses :
- J’ai une main faible ou moyenne et je ne sais pas trop quoi faire avec.
- Le flop est très gros, donc attendons de voir s’il aide un joueur avant de faire quoi que ce soit.
- Je vais prétendre que je suis faible alors que j’ai une main gagnante.
Dans la plupart des cas (notamment avec des joueurs de faible expérience), checker est synonyme de faiblesse ou de prudence. Le flop ne vous est pas venu en aide donc vous checkez en espérant que tout le monde fera de même et ainsi obtenir une carte gratuite. Cette technique n’est pas mauvaise en soit, en revanche vous devez la mettre à profit pour observer vos adversaires.
C’est généralement le moment le plus approprié pour lire la main de vos adversaires.
Pour cela, vous devez absolument avoir en tête les mises de départ des différents joueurs.
Joueur 1 : Donneur
Joueur 2 : Blind 5 €
Joueur 3 : Relance de 5 €
Joueur 4 : Suit à 10 €
Joueur 1 : Suit à 10 €
Joueur 2 : Suit à 5 €
Flop :
Les quatre joueurs, en commençant par le joueur 2, checkent à tour de rôle.
À ce moment précis, vous pouvez être sûr :
– que le flop n’est pas venu en aide à au moins 3 joueurs.
– que le joueur 3 doit être doté de cartes fortes, ayant relancé au premier tour, et s’étant contenté de checker au deuxième tour à l’apparition du flop.
– qu’il n’y a pas de tirage couleur ♦, sans quoi un joueur aurait très certainement profité de la prudence générale pour écarter quelques joueurs.
– qu’il y a peut-être un tirage suite par le ventre, mais sachant qu’il n’y a que 4 outs, le joueur en question ne se serait pas risqué à miser et aurait plutôt profité des checks pour découvrir une carte gratuite.
Imaginez simplement que la turn révèle et que le joueur 3 ouvre le pot. Vous pouvez être persuadé qu’il a touché une paire de Dames. Il pourrait bluffer mais c’est peu probable, étant le deuxième à parler, donc une position assez inconfortable, sachant que deux joueurs doivent parler derrière lui.
Vous devez donc formuler des hypothèses pour les écarter ou les conserver selon les cartes révélées par le board et les mises de vos adversaires. Quand le flop révèle un gros jeu, comme une paire, un brelan, trois cartes de la même couleur ou trois grosses cartes consécutives, la plupart des joueurs checkent par prudence. Ils veulent simplement voir si le flop est venu en aide à un joueur. Et si c’est le cas, ce joueur est certainement très fort.
Il est effectivement préférable de checker surtout en early et mid position, même si vous détenez la meilleure main (une mise forte ferait fuir tout le monde). Si vous êtes le dernier à parler, vous avez une réelle opportunité de bluffer et d’emporter le pot. C’est généralement le choix de beaucoup de joueurs. Si par contre, vous êtes relancé, couchez-vous. Celui qui vous relance a certainement une main très forte.
Checker peut avoir pour but de paraître faible alors qu’on est en réalité très fort. C’est une technique de jeu, qui peut se traduire par du slow playing ou du check raising.
Relancer
À la différence de checker, relancer signifie pour vos adversaires que vous possédez un gros jeu.
Nous allons passer en revue les cas où il est judicieux de relancer vos adversaires.
Vous avez un très gros jeu
C’est le cas le plus simple à gérer. Un joueur vous a relancé et le flop vous amène à penser que vous êtes le meilleur.
Pocket cards :
Flop :
Vous devez relancer fortement. Si votre adversaire vous relance mais faiblement, il a sûrement touché une double paire à l’As.
S’il vous relance fortement, il a sûrement touché un brelan de 5 ou de 10.
Votre seule crainte serait alors de voir apparaître un 5 ou un 10 à la turn ou la river, formant un carré. S’il vous suit jusqu’à la river et aucune de ces cartes n’est apparue, alors continuez de le relancer.
Si par contre, un 5 ou 10 apparaît, voyez s’il enchérit de plus belle.
Dans ce cas, égalisez pour le voir au showdown. Si son style de relance ne change pas, il bluffe très certainement ou sa main est simplement moins forte que la vôtre.
Vous avez la deuxième meilleure main
Votre main est forte mais vous savez que votre adversaire a une meilleure main. L’intérêt de la relance est de lui faire croire que c’est vous qui dominez !
Pour cela, vous avez un avantage sur lui, puisque vous seul connaissez la valeur de vos deux mains. Effrayez-le avec de fortes relances et gardez à l’esprit que la turn ou la river pourra même au final vous procurer la meilleure main.
Pocket cards :
Flop :
Vous avez une paire de Valets et, au regard de sa façon de jouer, vous savez que votre adversaire a une paire de Dames. En relançant fortement, vous lui faites croire que vous possédez deux paires.
Faire fuir les paires faibles et moyennes
C’est le rêve de beaucoup de joueurs : obtenir un brelan masqué au flop.
Pocket cards :
Flop :
À six joueurs ou plus, deux joueurs auront touché une paire haute grâce au board, mais vous serez le meilleur avec votre brelan de 3, et en plus vous passez incognito.
Pour éviter d’être victime d’un brelan masqué alors que vous êtes doté d’une forte paire ou de cartes hautes en pocket cards, il vous faut faire fuir les joueurs qui attendent le flop. Pour cela, vous devez relancer au premier tour d’enchères, pour que le ticket d’entrée au flop soit suffisamment dissuasif pour les mains moyennes et faibles.
Connaître la valeur de la main de votre adversaire
C’est une technique coûteuse mais efficace si elle est réalisée convenablement.
Vous devez viser un seul joueur, et sa façon de jouer doit être le reflet de la valeur de sa main. Évitez pour cela les flambeurs ou les loose players.
Relancez ! S’il vous suit, il a une bonne main. S’il vous relance, il a une très bonne main. S’il se couche, il a une main moyenne ou faible.
Cette information récoltée doit être associée à la manière dont il a joué sa main depuis le début du coup. Ainsi, si plus tard, il adopte le même style de jeu qu’au départ, vous saurez plus facilement lire sa main. Cette technique de relance est un investissement à long terme.
Bluffer
Il n’est pas possible de bluffer sans relancer. Vous devez montrer à votre adversaire que votre main est meilleure que la sienne en relançant de manière suffisamment conséquente pour qu’elle soit dissuasive.
Il est maintenant temps d’étudier les différentes techniques efficaces au Poker.
Les trois raisons de miser au poker
Value
Ça veut dire qu’on mise en espérant qu’une moins bonne main nous suive. Ou mieux, ça veut dire qu’on espère qu’une range qu’on bat va nous suivre, puisque l’adversaire peut nous suivre parfois avec une meilleure main, parfois avec une moins bonne, mais ce qui importe, c’est qu’on batte l’éventail global de mains avec lequel il nous suit. Il est important de ne pas miser simplement parce qu’on pense avoir la meilleure main, non non non, ça ne suffit pas !
Bluff
Ça signifie qu’on mise en espérant faire se coucher une meilleure main que la nôtre. De même ici, miser simplement parce qu’on a une main avec laquelle on ne peut pas gagner n’est pas suffisant pour justifier une mise de bluff.
Ramasser la dead money
Là, moins évident. C’est souvent dans des situations où on a par exemple KK sur un flop A high rainbow, ou KQ sur ce même flop, on peut difficile miser pour value, mais aussi difficilement en bluff. Néanmoins, en reprenant l’exemple de AK sur T62r que j’avais donné dans l’article initial, l’adversaire a souvent tout de même 6 outs contre nous, par exemple avec QJ. Miser a alors pour but de faire fold ce QJ pour lui prendre sa part d’equity. Lorsqu’on sera call, en général, c’est qu’on sera derrière.
Toutefois, j’aimerais revenir sur cette troisième raison. C’est suite à la lecture d’un chapitre du livre Easy Game de Baluga qu’est venue cette évolution de mon point de vue sur la question. Pour Baluga, cette troisième raison était un peu problématique, et, il n’a jamais été à l’aise dans le fait de l’expliquer, de la justifier, de l’utiliser telle qu’on la présentait. Il donne un exemple intéressant d’ailleurs :
Imaginons qu’on raise AQ, Villain reraise et on part all-in. Villain call avec 88. On aurait clairement préféré qu’il fold, il a une meilleure equity que nous.
Imaginons à présent qu’on raise 88, Villain reraise et on part all-in. Villain call avec AQ. À nouveau, on aurait préféré qu’il fold, on gagne plus d’argent lorsqu’il fold que lorsqu’il call, même si on a plus de 50% d’equity face à AQ.
Étrange, non ?
Il redéfinit alors d’une autre façon la raison 2 en y incluant la raison 3 : Bluffer signifie miser afin de faire coucher à l’adversaire une main de manière incorrecte, où incorrecte signifie que s’il avait vu notre main, il aurait call.
Dans l’exemple, en voyant notre main, il a clairement un call puisque face à notre push, il aura peut-être besoin de 40% d’equity pour call (à cause de la dead money dans le pot), donc il ne devrait fold ni AQ ni 88. Nous, on aimerait le faire fold afin qu’il fasse une erreur.
Dans l’exemple de AK sur T62r, c’est pareil. Si on mise à moitié du pot, alors QJ a la cote du pot et devrait normalement suivre. Si on le fait se coucher, on le fait faire une erreur et notre bluff est réussi.
Personnellement, je trouve cette nouvelle définition de la raison 2, tout en supprimant la raison 3, beaucoup plus aisée à manipuler. Les choses me semblent plus claires et plus simples qu’avec cette raison 3 qui n’a jamais été complètement claire à mon goût.
D’ailleurs, si vous ne le connaissez pas, je vous recommande ce livre de Baluga.